L’Ordre des Pharmaciens, qui dresse depuis des années un panorama de la démographie pharmaceutique en France, a voulu voir au-delà en réalisant une projection à l’horizon 2025.

Démographie pharmaceutique en France
“Dans un contexte inédit de tension dans l’accès aux soins et aux produits de santé, la préservation de la démographie pharmaceutique s’impose comme un enjeu clé pour répondre efficacement aux besoins de santé de la population”. L’Ordre des Pharmaciens ne se contente pas de dresser le constat, aussi judicieux soit-il, il entend travailler à cette préservation, en développant, notamment, l’attractivité du métier.
Afin d’agir au mieux, l’Ordre dresse chaque année un panorama de la démographie pharmaceutique en France. Un outil “essentiel”, selon les mots de la présidente du Conseil de l’Ordre des Pharmaciens, Carine Wolf-Thal. “Il nous permet de disposer de données pertinentes dans nos échanges avec les pouvoirs publics pour faire valoir les dynamiques et les enjeux qui façonnent nos exercices”(1).
La barre des 74 000 pharmaciens franchie | Démographie pharmaceutique en France
Le dernier panorama, dévoilé en 2024, dénombre ainsi 74 219 pharmaciens inscrits à l’Ordre, soit 0,6% de plus par rapport à 2023. On repasse ainsi au-dessus de la barre symbolique des 74 000 pharmaciens. En dix ans, la hausse est de 1,8%.
Si on se penche sur le détail de ce rapport, il apparaît que la tendance est moins heureuse pour les pharmaciens titulaires d’officine. En effet, le nombre d’inscriptions en section A baisse encore. L’Ordre, qui y voit là une conséquence de “la restructuration du réseau officinal”, annonce une chute de 10,7% de ces inscriptions depuis 2013.
A l’inverse, les effectifs de pharmaciens adjoints d’officine continuent de progresser : +2,3% en 2023. La hausse est encore plus marquée chez les pharmaciens d’officine intérimaires. Après un gain de 5,4% entre 2021 et 2022, les effectifs ont crû de 15,7% entre 2022 et 2023.
67,5% de femmes | Démographie pharmaceutique en France
Ensemble, titulaires, adjoints et intérimaires forment encore le gros des troupes des pharmaciens puisqu’ils représentent environ 72% des inscrits. Les établissements de santé ne comptent que pour 10% et la biologie médicale pour 9%.
Ce panorama est aussi l’occasion pour l’Ordre de s’intéresser à la composition de la profession. Le premier enseignement est que la profession demeure majoritairement féminine avec 67,5% de femmes parmi les inscrits. La proportion grimpe encore dans certains cas notamment en ce qui concerne les adjoints d’officine où l’on ne compte que 11,4% d’hommes.
Deuxième constat du panorama : les pharmaciens vieillissent alors même que leur âge moyen se stabilise à 46,5 ans. Il n’en demeure pas moins que les plus de 60 ans représentent désormais 19% de la profession, contre 12% il y a dix ans. Fort heureusement, dans le même temps, les pharmaciens de moins de 35 ans se sont fait plus nombreux (+1%).
Micro-simulations et projections
Toutefois, si ce panorama donne une bonne photographie de la pharmacie d’aujourd’hui, il ne permet pas de voir ce qu’elle sera demain. Voilà pourquoi l’Ordre des Pharmaciens a réalisé des travaux afin de mieux anticiper les évolutions à venir. Il s’est appuyé sur des “méthodes éprouvées de micro-simulation” afin de “mettre en lumière les dynamiques variables selon les métiers” à l’horizon 2050. Là encore, l’Ordre voit cela comme “un outil d’aide à la décision afin d’identifier et d’évaluer les facteurs susceptibles d’influencer ces projections. Les résultats, ainsi obtenus, et leur actualisation régulière, contribueront à éclairer les futures prises de décisions des pouvoirs publics”(1).
Cette modélisation démographique des pharmaciens concerne l’ensemble du parcours professionnel, depuis la formation jusqu’à la retraite. Pour être la plus exacte possible, la modélisation puisent à de nombreuses sources : les données du tableau de l’Ordre pour les pharmaciens en exercice, la base SISE et de l’enquête de la conférence des doyens de pharmacie, entre autres. Elle tient compte évidemment des derniers arrêtés relatifs aux objectifs pluriannuels de formation et du nombre de places offertes à l’internat.
Une stabilité fluctuante
Plusieurs projections ont ainsi été obtenues. La première, dite globale, part du postulat que le numerus apertus (3413), le nombre de places vacantes (293) et de places offertes au concours de l’internat (480 en pharmacie hospitalière et 266 en biologie médicale) resteraient stables. Dans cette hypothèse, on assisterait à une baisse du nombre de pharmaciens jusqu’en 2032 (-2.3%) suivie d’une hausse, légèrement plus forte (+3,2%) dans les années suivantes. Ainsi, en 2050, les effectifs seraient de 74 312. La profession aurait grandi de 1% entre 2022 et 2050. Dans le même temps, le nombre de pharmaciens titulaires et de pharmaciens adjoints seraient resté stable.
D’autres scénarios ont néanmoins été envisagés. L’un d’eux envisage un autre avenir en imaginant une augmentation de 5%, tous les cinq ans, de l’objectif quinquennal d’admission en 1ère année du deuxième cycle des études de pharmacie. Avec une telle hausse, le nombre de pharmaciens inscrits augmenterait d’environ 10% d’ici 2050. On aurait alors près de 81 000 pharmaciens sur le territoire.
La question des postes vacants
La DREES s’était déjà penchée sur le futur de la démographie pharmaceutique en 2021. Ses conclusions partageaient les mêmes tendances que celles dégagées par l’Ordre. Les proportions étaient toutefois différentes. Ses différences s’expliquent, pour une bonne part, par “les données prises en compte, explique l’Ordre. Le rapport de la DREES n’avait pas pu tenir compte de la réforme d’entrée en étude de santé PASS/LAS ni de l’augmentation du nombre de places vacantes en deuxième année de pharmacie”.
Evidemment, ce nombre de places vacantes influe fortement sur les projections. Ces données seront parmi les premières à garder en visuel pour assurer l’avenir et l’attractivité de la profession mais aussi s’assurer que l’évolution de la démographie des pharmaciens se fasse en harmonie avec les besoins de santé de la population.
Le maillage territorial
Le nombre de pharmaciens est une chose mais celui des officines en est une toute autre. Aujourd’hui, le maillage territorial tient encore mais on a encore enregistré une baisse du nombre d’officines en 2023. Elles ne sont plus que 19 887 contre 20 142 en 2022. L’Ordre des pharmaciens surveille ce maillage comme le lait sur le feu. “Il mérite toute notre attention pour garantir une desserte optimale de la population en médicaments, tout spécialement sur les territoires en tension”. Ainsi, plus du tiers des officines françaises constitue le cœur même de l’offre de soins de proximité en œuvrant dans des communes de moins de 5 000 habitants.
(1) Projections démographiques des pharmaciens à l’horizon 2050, Ordre national des Pharmaciens, Janvier 2025