
Exercer son métier en toute sécurité demeure un droit fondamental. Il est pourtant trop souvent mis à mal en ce qui concerne les professionnels de la santé. Le renforcement des peines encourues en cas de violence comme de vol parmi les remèdes à ce mal choisi par le Gouvernement.
La sécurité des professionnels de santé demeure une des préoccupations majeures des différents Ordres comme de l’Etat. “Nous considérons comme l’un des piliers du vivre-ensemble la reconnaissance que la société doit à ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie pour aider les autres”, affirme ainsi Anne-Sophie Patru, sénatrice et rapporteure pour le Sénat de la dernière loi en date “visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé”.
Adoptée le 25 juin dernier, cette loi vient renforcer des mesures engagées dès 2023 avec le Plan pour la sécurité des professionnels de santé. Il faut dire que la situation ne tend pas encore vers l’amélioration.
Depuis plusieurs années, l’Observatoire national des violences en milieu de santé, l’ONVS, comptabilise près de 20 000 signalements de violences à l’encontre des professionnels de santé chaque année. L’Ordre national des Pharmaciens dresse lui aussi des bilans annuels. Et les chiffres ne sont pas plus encourageants.
Sécurité des pharmaciens : des agressions plus fréquentes
En 2024, il a ainsi reçu plus de 500 déclarations d’agressions via son site internet, soit une augmentation totale de près de 12% par rapport à 2023. Et si l’on regarde encore un peu plus en arrière, le constat empire. “A l’exception de 2020, année de la crise sanitaire, le nombre de déclarations dont l’Ordre a eu connaissance pour l’année 2024, est le plus élevé depuis les cinq dernières années, soit une augmentation de plus de 75% en 5 ans”, déplore l’Ordre.
La députée Agnès Firmin Le Bodo, rapporteure pour l’Assemblée nationale de la loi votée en juin dernier, dénonce elle-aussi “une augmentation inacceptable des violences commises contre des professionnels de santé […]. Ces violences touchent tous les professionnels de santé et tous les lieux d’exercice : hôpitaux, bien sûr, mais aussi cabinets d’exercice libéral -médical, infirmier, kinésithérapie, etc – ou encore officines de pharmacie. Il est de notre devoir de législateur de protéger, dans l’exercice de leurs fonctions, ces professionnels qui se consacrent corps et âme à leur mission de santé publique”.
Sécurité des pharmaciens : prévention et sanctions
Le plan pour la sécurité des professionnels de santé lancé en 2023 n’a certes pas été un coup d’épée dans l’eau mais force a été de reconnaître qu’il fallait aller plus loin pour juguler la hausse des agressions. Ce plan axait notamment ses interventions sur la prévention de ces phénomènes de violence par la sensibilisation du public et la formation des professionnels. “La meilleure manière de protéger les professionnels de santé est d’abord d’éviter que des situations de tension ne surviennent et donc d’agir en amont pour circonscrire au mieux l’irruption des violences”, assuraient ses promoteurs.
L’idée a fait son chemin et a pris encore davantage de consistance dans la nouvelle loi qui ajoute une nouvelle pierre…La nouvelle loi vient donc ajouter une nouvelle pierre à la lutte contre ces violences en se concentrant fortement sur les réponses pénales qui y sont apportées.
Sécurité des pharmaciens : des peines alourdies
Ainsi les peines encourues par les contrevenants se voient alourdies en cas de violences commises contre les professionnels de santé ainsi que les personnes exerçant au sein d’un établissement de santé, d’un centre de santé, d’un prestataire de santé à domicile, d’un service social ou bien encore d’une officine de pharmacie. Il en va de même pour les agressions sexuelles commises sur un professionnel de santé durant son exercice.
La loi pénalise également plus durement les vols de matériel médical ou paramédical, les vols commis dans un établissement de santé et les vols commis au préjudice d’un professionnel de santé à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions.
Enfin, la loi étend le délit d’outrage à tous les professionnels de santé. L’Ordre national des pharmaciens peut désormais se constituer partie civile pour demander réparation d’un outrage commis à l’encontre d’un pharmacien. L’Ordre avait déjà cette possibilité depuis 2017 dans des affaires de violences ou de menaces en raison de l’appartenance à la profession de pharmaciens.
Sécurité des pharmaciens : l’Ordre à l’écoute des pharmaciens
Toutes ces mesures ne peuvent néanmoins être pleinement appliquées qu’à la condition que les victimes déclarent chaque fait et portent plainte. L’Ordre estime ainsi que seulement 32% des agressions font l’objet d’un dépôt de plainte. Tous n’ont pas le réflexe, loin de là, d’au moins informer l’Ordre des cas d’agressions avérés.
Pourtant, tous les pharmaciens ont “la possibilité de nous le faire savoir via un dispositif de déclaration spécifique disponible en ligne sur le site de l’Ordre. Tous les pharmaciens, quel que soit leur exercice et leur section d’inscription, peuvent déclarer leur agression sur ce site en remplissant un formulaire dédié d’une vingtaine de questions. Cela ne prend qu’une dizaine de minutes”.
Ces déclarations sont plus qu’importantes pour “alerter les autorités locales et nationales afin de mettre en place des dispositifs de prévention adaptés, souligne l’Ordre. Par ailleurs, la publication annuelle de statistiques anonymisées constitue un levier de communication essentiel pour sensibiliser la profession aux enjeux de sécurité”.
Des référents sécurité
Déclarer toute agression permet également de recevoir le soutien de l’Ordre à travers ses référents sécurité. Ces derniers ont pour mission “l’écoute, le soutien et le conseil des pharmaciens”. Ces référents sont ainsi à même de guider toutes les victimes à travers les étapes administratives comme judiciaires mais aussi d’aider les pharmaciens à prévenir les agressions. Informés par les premiers intéressés des problèmes rencontrés, ces référents demeurent également des interlocuteurs privilégiés des forces de l’ordre, des préfectures ou bien encore des ARS pour oeuvrer au mieux à la sécurisation de la profession.
Les peines encourues :
- 7 ans de prison et 100 000 euros d’amende pour des agressions sexuelles autres que le viol
- 5 ans de prison et 75 000 € d’amende en cas d’incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, une peine ramenée à 3 ans et 45 000 € si aucune incapacité de travail n’est avérée ou si celle-ci est inférieure ou égale à huit jours
- 5 ans de prison et 75 000 € d’amende pour vol
- 7 500 € d’amende et une peine de travail d’intérêt en cas d’outrage voire 6 mois de prison en sus de l’amende si les faits se sont déroulés au sein d’une structure sanitaire, sociale ou médico-sociale voire au domicile du patient
- 1 an de prison et 15 000 € d’amende pour l’injure.
Sources :
« Actions de l’ordre pour la sécurité des pharmaciens », bilan 2024
« Actions de l’ordre pour la sécurité des pharmaciens », bilan 2024