
Les pharmacies d’officine n’ont de cesse d’évoluer. De nouvelles missions sont venues intensifier l’activité et remettre l’officine au cœur du parcours de santé. L’avenir n’est pas entièrement rose pour autant avec des craintes démographiques, économiques et réglementaires.
A quoi ressemblera le monde officinal de demain ? S’il est toujours difficile de prédire l’avenir, cela n’empêche pas de vouloir en tracer les contours. Et la Cour des Comptes ne s’en prive pas. Chargée d’assister le Parlement dans ses réflexions autour des lois de financement de la sécurité sociale, l’institution s’est penchée sur le cas des pharmacies. Son travail cherche à la fois à détailler l’actualité du secteur, à discerner ses forces comme ses faiblesses, mais aussi, et peut-être surtout, à entrevoir ce qu’il sera demain pour mieux accompagner sa transformation.
Une rémunération à repenser
La Cour des Comptes s’est notamment penchée sur la question de la rémunération des pharmaciens avec une logique simple. Alors que l’on poursuit des objectifs de réduction de la consommation de médicaments, “en cumulant la marge réglementée, les honoraires à la boîte et les remises des fabricants sur les génériques, le revenu des officines reste indexé aux trois quarts sur la quantité de médicaments vendus. À coût constant pour l’assurance maladie, la rémunération officinale devrait être davantage orientée sur la valeur ajoutée de l’acte de dispensation, en faisant basculer la dominante de rémunération à la boîte vers celle des honoraires à l’ordonnance. Une meilleure prise en compte du service rendu au système de santé par les nouvelles missions du pharmacien, appuyée sur des évaluations médico-économiques, renforcerait l’attractivité de la profession”.
Un modèle en évolution constante
Cette attractivité se voit déjà étoffée grâce à un modèle officinal qui évolue à grande vitesse. Ainsi, depuis plus d’une dizaine d’années, les pharmaciens se sont saisis de nouvelles missions à la demande de l’Assurance Maladie. La pandémie de Covid a encore accéléré ce mouvement. Cela a “conduit, par nécessité, les pouvoirs publics à s’appuyer sur le réseau de proximité que constituent les officines, en autorisant le pharmacien, sous conditions, à dépister, à vacciner contre le virus et à renouveler des ordonnances”, note la Cour des Comptes.
En accomplissant de nouvelles missions, les pharmaciens ont changé leur image auprès des usagers et l’élargissement de leur rôle est sans nul doute une chose entendue pour nombre de Français. De son côté, l’Etat a validé cette nouvelle orientation à travers les différentes lois de financement élaborées depuis.
“Premier professionnel vaccinateur”
De nouvelles habitudes sont nées chez les officinaux. Certaines prestations sont devenues courantes. “Plus de 90% des officines participent aux campagnes de vaccination saisonnière et, depuis 2023, prescrivent et administrent l’ensemble des vaccins recommandés par le calendrier vaccinal”, rappelle la Cour des Comptes. Elle ajoute que “le pharmacien est devenu le premier professionnel vaccinateur, avec 59% des doses administrées lors de la campagne antigrippale de 2023-2024”. Le dépistage du cancer colorectal s’est lui aussi heureusement installé durablement dans les officines. “99% d’entre elles participent à la campagne de dépistage”. On retrouve encore les pharmaciens sur le front quant aux tests d’angine et de cystite. Plus de 2 200 sont pratiqués au quotidien.
De nombreux pharmaciens ont également pris le train de la téléconsultation. Une officine sur quatre s’est ainsi équipée d’une cabine dédiée.
Mais d’autres missions connaissent un succès plus mitigé. Il en va ainsi des entretiens pharmaceutiques, plus lourds à mettre en place. Selon la Cour des Comptes, moins de 12% des officines seulement pratiquent ces entretiens. Chronophages, les entretiens demandent un minimum de planification de la part du pharmacien comme du patient. La Cour des Comptes pointe également du doigt les outils numériques à la disposition des pharmaciens. “Malgré les efforts entrepris pour leur développement, leur diffusion et leur interopérabilité restent insuffisantes pour alléger la charge des entretiens et faciliter le partage d’informations avec les médecins”.
Adapter l’officine
Ces nouvelles missions, quelles qu’elles soient, demandent un investissement certain du pharmacien. L’investissement peut être financier. Accueillir la patientèle pour des entretiens comme pour la vaccination nécessite souvent de réaménager les locaux. Il faut aussi parfois pouvoir s’équiper. Les plus petites pharmacies peuvent faire face alors à des difficultés autant financières que pratiques.
Ces mêmes pharmacies de taille modeste affrontent un autre souci comme le souligne la Cour des Comptes. “Dans l’officine, le pharmacien a, seul, la compétence pour exercer la quasi-totalité des nouvelles missions. Sa disponibilité conditionne leur exercice aux côtés de la mission obligatoire de délivrance des médicaments”. On comprend alors aisément la difficulté pour les professionnels qui travaillent seuls ou en équipe limitée à assurer l’ensemble des missions.
L’activité croissante dans l’officine demande en parallèle de repenser l’organisation du travail. Déléguer devient plus que nécessaire. Mais pour être en mesure de le faire, il faut évidemment faire évoluer les compétences et les parcours professionnels des préparateurs en pharmacie. La Cour des Comptes espère des avancées législatives dans ce domaine. Des avancées suffisantes pour rendre l’accomplissement de l’ensemble des missions confiées aux pharmaciens le plus simple et pratique possible.
Une meilleure évaluation
Globalement, la Cour des Comptes salue l’implication du monde officinal dans les nouvelles missions qui lui ont été confiées tout en fustigeant l’Etat de ne pas prendre suffisamment en considération les efforts collectifs de la profession ni même les résultats de son travail. “Il est regrettable que les autorités publiques n’aient pas encore engagé d’évaluation médico-économique permettant de mesurer les bénéfices que tire la population des nouvelles missions du pharmacien, les effets de ces nouvelles missions pour le système de santé, sur le plan de la prévention et des soins, et en termes de libération de temps médical”.
Toutefois, sans même de bilan officiel, la Cour des Comptes espère déjà davantage des pharmaciens. Elle aimerait notamment qu’ils jouent un rôle encore plus fort dans la prise en charge des soins primaires, l’orientation des usagers du système de santé ainsi que les dépistages précoces des pathologies chroniques et des cancers.
La Cour des Comptes attend finalement beaucoup du monde officinal qui apparaît une nouvelle fois comme un maillon essentiel de l’action sanitaire nationale.