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Le marché de la cession en pleine évolution

Le marché de la cession d’officine fait face à des phénomènes contradictoires. La pyramide des âges des titulaires offre de nombreuses opportunités néanmoins tempérées par un effritement de la marge et des taux d’emprunt élevés. Plus que jamais, se faire accompagner demeure indispensable pour que cédants et repreneurs s’accordent sur le “juste prix”.

Retour à la normale ! Après deux années exceptionnelles – 6,5% en 2021 et 11% en 2022 -, les officines retrouvent un taux de croissance plus raisonnable en 2023 avec un respectable + 2,4%. “2021 et 2022 auront été des années hors normes pour cause de Covid, explique Joffrey Blondel, directeur gestion officinale à la CERP. Ses effets se sont fait sentir sur le chiffre d’affaires, bien sûr, mais surtout sur la rentabilité des pharmacies. La baisse effective de trois points de la marge que nous connaissons aujourd’hui est dûe, pour au moins deux points, à la chute des activités liées à la pandémie”.

Toutefois, d’autres phénomènes pèsent dans la balance dont la forte croissance des médicaments chers. “38% du chiffres d’affaires des produits au taux de TVA de 2,10% est constitué par les médicaments dont le prix fabricant hors taxe dépasse les 150 euros. Or, ces médicaments dégagent une marge beaucoup plus faible que celle liée aux activités Covid”, précise Joffrey Blondel.

L’EBE comme référence

L’impact de l’inflation s’est également fait sentir en 2023. “La hausse des prix d’achats, notamment des produits non remboursés, n’a été que partiellement répercutée sur le prix de vente », souligne le directeur gestion officinale. Par ailleurs, les officines ont subi une hausse de leurs charges fixes, dont les coûts énergétiques, couplée à une augmentation généralisée des frais de personnel. La rareté des candidats a imposé, et impose encore, une gestion prodigue des grilles salariales.

Evidemment, tout cela provoque un effritement de l’excédent brut d’exploitation (EBE*). Selon les derniers chiffres recensés par Interfimo*, l’EBE ne représente plus que 9,7% du CA contre 12,4% en 2020, avant l’arrivée du Covid, et 13,7% au plus fort de la crise. La situation n’a pourtant rien d’alarmant comme le remarque Joffrey Blondel. “Si on compare l’EBE de 2023 et celui de 2020, en valeur, nous voyons tout de même une progression de 2 000 à 4 000 euros”.

Et ces chiffres doivent être regardés attentivement car l’EBE devient la référence sur le marché de la cession des pharmacies. “Historiquement, la valorisation de l’officine était assise sur le chiffre d’affaires hors taxe, rappelle Joffrey Blondel. Mais depuis quelques années, et c’est tant mieux, on se base enfin sur la rentabilité intrinsèque de l’officine, c’est-à-dire l’EBE. Ceci vient atténuer une valorisation liée uniquement au chiffre d’affaires qui n’avait plus de sens à l’heure où la part des médicaments chers prend de plus en plus de place”.

“Un prix juste”

Joffrey Blondel insiste sur l’importance, pour tout repreneur, de scruter l’EBE et de disséquer tous les éléments de marge et de charge. “Toutes les lignes de marge et de charge, petites ou grandes, doivent être identifiées, martèle-t-il. Et pour cela, il ne faut pas hésiter à s’appuyer sur les experts au sein de la CERP, des conseillers financiers aux directeurs d’agence, en passant par les conseillers commerciaux et les experts comptables. Une bonne reprise ne peut se faire sans une étude poussée et un prévisionnel extrêmement précis”. L’objectif est simple : il s’agit d’acheter au bon prix. “Et ce bon prix, ce n’est pas forcément un prix bas mais obligatoirement un prix juste”, conclut Joffrey Blondel.

Pour obtenir ce prix juste, il faut se détacher du diktat de la valorisation en pourcentage du chiffre d’affaires même si cela peut être difficile à entendre pour certains cédants. “Une officine achetée il y a 15 ans à un certain pourcentage du chiffre d’affaires peut valoir moins aujourd’hui en pourcentage, reconnaît Joffrey Blondel. Mais, mathématiquement, en valeur, elle va être vendue plus cher tout de même. Il faut comparer le prix de vente avec l’apport d’origine, calculer le taux de rendement interne financier et là, on s’aperçoit que le cédant y gagne. Et, de l’autre côté, l’acheteur, avec un prix juste, peut acheter à une valeur conforme à la rentabilité ce qui lui permettra de rembourser correctement son emprunt et de faire vivre son officine”.

Depuis 2023, on assiste ainsi à un ajustement à la baisse des prix de cession. La baisse des marges liée à la hausse des produits chers et à l’inflation encourage le phénomène mais il faut y voir également l’effet de la hausse des taux d’emprunt. “Il y a trois ans, on pouvait encore emprunter à un taux de 0,7%. Aujourd’hui, il atteint 3,7% ! Le calcul est simple. Quelqu’un qui emprunte 1 million d’euros sur 12 ans rembourse 16 000 euros de plus chaque année, soit quasiment le coût du salaire brut non chargé d’un préparateur”, note Joffrey Blondel.

La taille compte !

Toutes les pharmacies ne sont pas confrontées de la même manière à ce phénomène. Si les pharmacies de taille importante continuent à bien se vendre, “si tant est que l’apport soit important”, tempère Joffrey Blondel, les plus petites “sont de moins en moins prisées et la négociation est souvent à l’avantage de l’acheteur. Il s’agit majoritairement d’acquisitions en première installation ou d’opérations de regroupement. Lorsqu’il s’agit d’une acquisition de licence avec restitution, les prix sont particulièrement bas”, détaille Interfimo.

“C’est effectivement plus compliqué pour les plus petites officines qui sont souvent concurrencées par de grosses pharmacies fortement implantées quand elles sont en ville ou en périphérie ou qui se retrouvent dans des déserts médicaux et/ou ruraux, ajoute Joffrey Blondel.

L’évolution des nouvelles missions pour les pharmacies ne plaident pas non plus en faveur des petites pharmacies. Ces dernières demandent à la fois du personnel et de l’espace. Au final, elles privilégient de manière indirecte les pharmacies de taille plus importante.

Retraite !

En tous les cas, de nombreuses pharmacies, grandes ou petites, se retrouveront bientôt sur le marché des cessions. En effet, selon les statistiques de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, 21% des titulaires ont aujourd’hui plus de 60 ans alors qu’ils n’étaient que 15% en 2012. 1 532 titulaires ont plus de 66 ans. “Nous allons encore avoir un nombre de départs à la retraite record et autant d’officines à reprendre”, note Joffrey Blondel. Et la CERP répondra présente ! “Nous disposons de nombreux outils et de personnels (dont des conseillers financiers CERP) dédiés à l’accompagnement à la reprise d’officine pour tous les repreneurs, qu’ils soient primo-accédants ou non. Nous proposons notamment pour les primo accédants un booster d’apport avec Pharm’Install”. Cet outil permet de compléter l’apport initial par un prêt bancaire cautionné par la CERP. “Nous proposons également un guide SANTALIS de la reprise d’officine d’une trentaine de pages pour accompagner les repreneurs. Mais le plus important, sans doute, reste de s’entourer de personnes compétentes et de confiance qui donneront un avis éclairé et professionnel. Grâce à notre maillage serré d’agences, nous connaissons très bien le terrain et bien souvent l’officine convoitée ce qui assure un accompagnement efficace”.

*Prix de cession des pharmacies 2023, étude 2024, Interfimo

*Excédent brut d’exploitation : l’EBE correspond au bénéfice avant déduction des frais financiers, des amortissements et des charges exceptionnelles. Il s’apparente à la marge bénéficiaire permettant de rembourser les crédits (intérêts et capital), payer les impôts et assurer le train de vie des titulaires.