Accès Client

La suppression des notices papier en question

Dans l’Union européenne et en France, l’existence des notices papiers dans les boîtes de médicaments pose question. L’idée d’une notice dématérialisée fait son chemin et sera même testée cette année dans quelques hôpitaux et pharmacies.

Au printemps 2023, le Gouvernement annonçait la naissance d’une Planification écologique du système de santé afin de répondre aux urgences climatiques, énergétiques et écologiques. Le secteur sanitaire et médicosocial représente à lui seul 8% des émissions de gaz à effet de serre nationales. Et la moitié d’entre elles se voient générées par les médicaments et les dispositifs médicaux.

Le Gouvernement en a conclu que “ce secteur, à l’image de tous les autres, doit faire sa part dans la nécessaire baisse des émissions de gaz à effet de serre de 5% par an jusqu’en 2050, afin de respecter l’engagement national français de rester sous la barre des +1,5°C supplémentaires”.(1)

Le défi pour notre système de santé consiste ainsi à “maîtriser son impact en matière de biodiversité, d’épuisement des ressources naturelles et d’accès à l’eau douce, ou encore de dégradation et de pollution des milieux naturels”(1).

Parmi les objectifs retenus pour “contribuer à la neutralité carbone du secteur de la santé et maîtriser les risques environnementaux”(1), on en retrouve un qui pourrait, à terme, concerner toutes les pharmacies de l’Hexagone. Il est ainsi prévu de tester dès l’automne 2024 la dématérialisation des notices de médicaments via des QR codes.

Une idée européenne

Cette expérimentation va dans le sens de la refonte actuelle des textes européens au Conseil et au Parlement de l’Union européenne où la dématérialisation des notices fait partie des sujets abordés. Pour le moment, l’article 63 de la directive pharmaceutique qui a fait l’objet d’un accord informel au sein du Parlement européen laisse la liberté à chaque État membre d’autoriser ou non la notice papier accompagnée d’une notice électronique.

Le test grandeur nature, mené par l’Agence française du médicament et le ministère de la Santé, concernera les hôpitaux comme les pharmacies. Toutefois, dans les officines, la notice papier sera conservée, en plus du QR code, alors qu’elle sera totalement supprimée dans les hôpitaux cobayes. 

Grâce à ce QR code, les patients auront accès, selon les promoteurs de l’essai, à une “information renforcée avec différents médias qui peuvent être des vidéos ou des fiches plus lisibles et interactives que les notices actuelles”. Reste à savoir si les patients s’approprieront ce nouveau canal d’informations.

Recherche en ligne

De fait, une étude récente (2) a révélé que les notices imprimées étaient jugées utiles par 85% des Français même si 71% du panel les trouvent trop chargées et 32% avouent ne pas en comprendre le vocabulaire. Finalement, elles ne sont lues intégralement que par un patient sur cinq. Les pharmaciens ne s’en étonneront certainement pas. Plus de la moitié d’entre eux estiment en effet que les patients ne consultent pas les notices. Certains d’entre eux, et notamment les plus jeunes, préfèrent partir en quête d’informations sur internet. Les deux tiers des moins de 35 ans délaissent la notice papier pour les sources en ligne. Les plus de 50 ans sont 48% à le faire également. Assez logiquement, le même sondage nous apprend que 60% des personnes interrogées se déclarent favorables au développement des e-notices. Pourtant, d’autres se montrent moins enthousiastes…

L’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé, plus connue sous le nom de France Assos Santé, met plus qu’un bémol sur une éventuelle mise en place des notices dématérialisées. Pour elle, “même si elles présentent un intérêt certain, elles ne donnent pas les mêmes garanties d’accessibilité que la notice papier. Préserver cette dernière permet notamment de prendre en compte la variété des publics et l’éloignement du numérique de certains groupes de population, à l’instar des personnes âgées ou des patients vivant dans des “zones blanches” ou ayant une couverture mobile ou un réseau internet de mauvaise qualité”(3).

Les dangers du QR code

Ce dernier argument pourrait néanmoins être retoqué par les promoteurs de l’e-notice puisqu’il est prévu, pour le moment, de conserver le droit de chaque patient à demander à son pharmacien de lui fournir une notice papier.

France Assos Santé pointe encore du doigt un autre défaut de cette notice dématérialisée. Son accès étant soumis au scan d’un QR code et d’un passage en ligne, il y a un risque nouveau sur la sécurité des informations et des données sensibles sur l’état de santé des patients. “Il est essentiel que les patients aient accès à une information sûre, complète et contrôlée par les autorités de santé, afin d’éviter tout risque de manipulation de cette information”.

Loin d’être opposée au principe de la e-notice, France Assos Santé milite pour maintenir une complémentarité de la notice dématérialisée par rapport à la version papier. Elle rappelle ainsi que ces nouvelles notices sont déjà disponibles sur le site de l’Agence européenne du médicament et la base de données publique des médicaments en France. Et elle soutient leur intérêt. “Cela apporte des bénéfices pour les patients : plusieurs langues disponibles, possibilité de mise à jour, etc”.

Des atouts pour l’industrie

Le Conseil national de l’Ordre des Pharmaciens se veut lui aussi vigilant sur le sujet et demande à ce que les autorités publiques réfléchissent bien “aux différentes implications d’une notice électronique”. Il a notamment entendu les représentants européens de l’officine (GPUE) et des pharmaciens hospitaliers (EAHP) parler du risque “pour l’accès immédiat et égalitaire des patients aux informations essentielles”. Toutefois, il reconnaît les avantages de la e-notice pour les pharmaciens de l’industrie. Céline Kauv, directrice des affaires pharmaceutiques du LEEM (Les Entreprises du Médicament), les résume en quelques mots. “Source d’économie après adaptation des chaînes de production, la mesure aurait aussi un impact environnemental positif et faciliterait par exemple l’importation de médicaments en cas de pénurie puisqu’il n’y aurait pas à réimprimer la notice en français, assure-t-elle. Surtout, elle permettrait une mise à jour beaucoup plus rapide à l’heure où la réimpression et la mise en boîte des notices papier peut prendre jusqu’à six mois”(4).

Le sujet semble encore loin d’être tranché. L’expérimentation à venir de l’Agence française du médicament donnera certainement de nouvelles informations à ajouter au dossier.

Sources :