
Par Guillaume Alexandre, directeur général d’Oxypharm
Retour avec Guillaume Alexandre, directeur général d’Oxypharm, sur les perspectives du marché du maintien à domicile soumis à nombre d’incertitudes malgré l’évidence absolue de l’opportunité qu’il représente pour les pharmaciens d’officines.
La France compte aujourd’hui 2,3 millions de personnes de plus de 85 ans. Parmi elles, près de 600 000 s’avèrent dépendantes à quelque degré que ce soit. Et leur nombre ne fait que progresser. On table sur 3,9 millions de personnes âgées dépendantes d’ici 2050.
Par ailleurs, une immense majorité des Français affiche une nette préférence pour vieillir à leur domicile. Un sondage Odoxa mené en 2021 nous apprend ainsi que « 80% des Français attendent que les politiques publiques incitent au maintien à domicile ».
Les pharmaciens n’en attendent pas moins. Le marché du maintien à domicile, le MAD, représente évidemment une opportunité. « Le contexte démographique est favorable à ce marché, note Guillaume Alexandre, directeur général d’Oxypharm. En 2040, 10,6 millions de Français auront plus de 75 ans. Par ailleurs, les gens entendent mieux vieillir, et donc rester chez eux ». Selon le Ministère du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, « les besoins d’aide et d’accompagnement à domicile vont augmenter de 20% à horizon 10 ans et de 60% d’ici 30 ans ».
Les économies du Maintien à domicile
En plus de répondre aux vœux des Français, le développement du maintien à domicile s’avère également plus que pertinent pour les finances publiques. « Le coût du maintien à domicile s’avère bien plus bas que celui d’une hospitalisation ou qu’un hébergement en EHPAD, souligne Guillaume Alexandre. Si on raisonne simplement en termes d’économies, la Sécurité Sociale a tout intérêt à permettre aux personnes âgées de rester chez elles le plus longtemps possible ».
Et pour autant, la volonté politique ne s’exprime pas aussi clairement qu’on l’espérerait. « Nous ne disposons que de peu de visibilité quant au futur du marché du Maintien à domicile, regrette Guillaume Alexandre. Les politiques actuelles semblent vouloir orienter la prise en charge de la vente des dispositifs médicaux sur le modèle de celle des médicaments génériques. Cela se traduirait par des marges réglementées applicables à tous, du fabricant au distributeur final. Le mouvement a déjà commencé avec l’instauration du prix de cession ».
Les incertitudes se retrouvent à différents niveaux. Ces derniers temps, les regards se portent notamment sur la location de fauteuil roulant. Tout en instaurant la prise en charge intégrale de l’achat d’un fauteuil roulant par l’Assurance Maladie pour les personnes en situation de handicap dès le 1er décembre 2025, la réforme menée par Charlotte Parmentier-Lecocq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées de France, mise sur une baisse drastique de la prise en charge des fauteuils roulants en location dans les officines. Une orientation qui se fera au détriment de toutes les personnes qui n’ont besoin d’un tel dispositif qu’exceptionnellement. « Cette prise en charge de la location a nécessité une enveloppe totale de 140 millions d’euros en 2024. L’objectif aujourd’hui est de réduire la facture de 100 millions d’euros ! Cette volonté affichée de privilégier l’achat à la location ne me semble pas pertinente. A l’heure des comptes, cela coutera plus cher à la Sécurité Sociale. Finalement, personne ne sera gagnant. On va démunir certains patients sans pour autant permettre aux finances publiques de réaliser les gains espérés ».
De nouvelles tailles budgétaires ?
Et d’autres mesures pourraient encore venir peser sur le marché du Maintien à domicile. « On parle aujourd’hui de 40 milliards d’euros d’économie à réaliser sur le prochain budget de l’Etat. Quelles seront les priorités de ce budget ? A quel niveau celui de la santé sera impacté ? ». Face à un contexte économique compliqué et incertain, Guillaume Alexandre doute que « les priorités d’aujourd’hui soient celles de demain ».
« Ce que nous vivons avec le fauteuil roulant, nous pourrions le retrouver sur d’autres dispositifs médicaux. Il semble que certains décisionnaires confondent le marché du médicament et celui du dispositif médical. Ils voudraient les gérer de la même manière alors que leurs contraintes demeurent radicalement différentes. Le marché du médicament dispose d’un volume de vente suffisamment important pour compenser le coût du transport ou de la manutention. Celui du dispositif médical assume des frais de fonctionnement plus importants. Il implique des prestations supplémentaires. Le dispositif médical se dispense avec un accompagnement et un suivi du patient. Vouloir dupliquer le modèle économique du marché du médicament à celui des dispositifs médicaux ne fait pas sens ».
La pharmacie en première ligne
Entre des décisions discutables et le manque de visibilité, les acteurs du marché du maintien à domicile peinent à être sereins. « On nous maintient trop dans le flou. La question de la prise en charge des fauteuils roulants est débattue depuis près de trois ans, temps durant lequel nous n’avons disposé que d’informations au compte-goutte, regrette le directeur d’Oxypharm. Par ailleurs, nous avons souvent l’impression d’être entendus sans forcément être écoutés ».
Impossible donc d’échapper à quelques inquiétudes. « Le secteur se retrouve mis à mal. Nous observons énormément de mouvement au cœur de l’environnement économique du maintien à domicile et des dispositifs médicaux. Rachats de concurrents, liquidations, le marché est fondamentalement fébrile. Il n’en reste pas moins porteur pour les pharmacies, sans doute mieux armées que les magasins spécialisés en la matière. Les officines bénéficient d’un fort maillage territorial ainsi que d’un flux de patientèle important qui lui donnent les armes nécessaires pour peser sur le marché. La baisse de la marge pourra être ainsi compensée par le volume d’activités », assure Guillaume Alexandre.
Ainsi, ni les baisses de marge ni les incertitudes ne devraient empêcher les pharmaciens d’investir dans ce marché du maintien à domicile, du médicotechnique et des dispositifs médicaux qui y sont liés. Oxypharm se tient d’ailleurs à leurs côtés pour les guider dans le développement de cette activité. « Les pharmaciens ne sont pas des entrepreneurs comme les autres. Ils demeurent des professionnels de santé avant tout. A nous de les accompagner pour la partie business de leur activité en leur rappelant, notamment, qu’il demeure plus rentable de se concentrer sur le Maintien à domicile que sur la parapharmacie. En outre, c’est tout de même dans ce genre de périmètre où la valeur-ajoutée du pharmacien est la plus forte ».