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Le fragile maintien du maillage officinal

Maillage officinal
Pharmacie – maillage officinal

Dans son rapport 2025 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des Comptes s’est notamment penchée sur le maillage officinal et les moyens mis en œuvre pour en maintenir la densité. La Cour des Comptes a jugé globalement ces mesures trop mesurées.

Ni bonne ni mauvaise élève, la France dispose aujourd’hui d’un maillage officinal encore dense. On compte ainsi 30 officines pour 100 000 habitants dans l’Hexagone. La densité des pharmacies y demeure de fait dans la moyenne des pays de l’OCDE et de l’Union européenne.

Il y a encore peu, en 2017, la Cour des Comptes concluait même dans une de ses publications à “un excès de densité des pharmacies dû à des niveaux de revenus élevés, permis par une rémunération trop favorable de la vente des médicaments génériques et par les avantages offerts par l’exploitation sous statut de sociétés d’exercice libéral”.

Sauf qu’en huit ans, le modèle officinal a fortement évolué. La Cour des comptes ne peut que constater que “le réseau s’est éclairci, et plus rapidement encore dans les zones rurales”.

211 fermetures par an

La France se retrouve ainsi sur une pente glissante. Depuis 2006, année record, le nombre d’officines a chuté de plus de 10%. Le pays dépasse à peine la barre des 20 000 officines. La Cour des comptes note ainsi que désormais, “Quatorze États membres de l’Union européenne ont désormais une meilleure dotation que la France, alors qu’ils n’étaient que trois en 2007.

Et les vagues de fermeture d’officines sont loin de cesser. Depuis 2007, on enregistre en moyenne 156 fermetures chaque année. Ces dix dernières années, le rythme a encore accéléré, avec une moyenne de 211 fermetures par an.

Bien entendu, toutes ces fermetures ne sont pas définitives. Certaines sont simplement la conséquence d’un regroupement d’officines. La Cour des Comptes a décelé d’ailleurs que cela avait souvent lieu dans “des zones urbaines où de nombreuses pharmacies peu viables financièrement avaient été ouvertes à titre dérogatoire au cours des décennies antérieures”.

Les zones rurales touchées de plein fouet

Il n’empêche que le nombre de fermetures directement lié à une absence de reprise s’est accru depuis 2015. Et là encore, les territoires ruraux paient un plus lourd tribut que les autres. Le rythme annuel moyen des fermetures d’officines a presque été multiplié par cinq dans les bourgs ruraux.
Cet effilochage du maillage officinal s’expliquerait, selon la Cour des Comptes, par “une perte d’attractivité professionnelle de certaines officines rurales. Le pharmacien y est souvent seul, dans des officines de petite taille et sans véritable perspective de progression financière, surtout en cas d’absence de médecin à proximité”.

Les chiffres sont effectivement sans appel. Une pharmacie sur deux parmi celles qui sont installées dans des zones à habitat dispersé affichent un chiffre d’affaires inférieur à 1,1 M€. Moins d’une sur cinq partagent cette situation dans les bourgs ruraux et moins d’un quart dans les zones urbaines. 

Un renouvellement difficile

La Cour des Comptes allonge la liste des freins à l’installation. Elle cite ainsi “l’impossibilité de financer, ou même d’attirer, un pharmacien-adjoint ce qui restreint l’amplitude des horaires d’ouverture ainsi que le chiffre d’affaires, et n’attire pas les potentiels repreneurs”.

Et pourtant, il faut encore noter que l’attractivité demeure faible pour ces pharmacies quand il s’agit d’attirer les étudiants lors de leur stage professionnel de sixième année. Bien peu choisissent ces officines éloignées des villes universitaires. La situation pourrait néanmoins s’améliorer grâce à l’ouverture aux étudiants en pharmacie des contrats d’engagement de service public. Depuis l’an dernier, les étudiants peuvent ainsi bénéficier d’une allocation mensuelle de 1 200€ contre la promesse de s’engager “pendant un nombre d’années égal à celui durant lequel ils auront perçu l’allocation à exercer leur fonction dans des lieux d’exercice spécifiques dans une zone caractérisée par une offre de soins insuffisante ou des difficultés dans l’accès aux soins”*.

Territoires fragiles

En plus d’attirer les étudiants, les titulaires de demain, dans les zones à moindre densité, l’Etat a déployé plusieurs mesures dans l’objectif de maintenir un bon accès aux soins sur l’intégralité du territoire. En juillet dernier, un décret donnait la possibilité aux agences régionales de santé de désigner des “territoires fragiles” au sein de leur juridiction. Les officines situées au sein de ces “territoires fragiles” peuvent ainsi demander une aide financière, allant jusqu’à 20 000 euros par an. L’Assurance maladie a ainsi prévu une enveloppe globale de 20 millions d’euros pour cette aide spécifique.

Le chiffre, pas plus que l’idée n’a séduit la Cour des Comptes qui juge le dispositif “trop complexe à déployer pour les agences régionales de santé”. Elle dénonce par ailleurs la vision par trop territoriale selon elle de la mesure. “Toutes les officines situées dans les territoires fragiles ne sont nécessairement en difficulté ni indispensables à l’accès aux médicaments”, peut-on lire dans le rapport. La Cour des Comptes conseille plutôt de recenser les pharmacies en difficulté et de cibler les actions de soutien sur ces dernières.

Les antennes officinales

Un autre dispositif expérimenté par l’Etat ne trouve pas davantage grâce auprès de la Cour des Comptes : l’antenne officinale. Depuis 2020, la loi autorise, dans les communes de moins de 2 500 habitants dont la dernière officine a fermé sans repreneur, la création d’une succursale par le pharmacien titulaire de la pharmacie la plus proche.

Pour le moment, les antennes officinales ne connaissent pas un franc succès. Une seule antenne a vu le jour, à l’été 2024, en Corse. Une dizaine d’autres sont envisagées d’ici à 2028. Un peu maigre pour la Cour des comptes qui a son idée sur les freins qui pèsent sur le dispositif. Son coût d’abord refroidit plus d’un acteur. “Le manque de ressources humaines disponibles dans les pharmacies et la volonté limitée des professionnels de s’en saisir au regard des contraintes posées, réduisent la portée de cette expérimentation”, ajoute encore la Cour des Comptes. 

Revoir les règles

Loin de rejeter en bloc les différentes initiatives engagées, la Cour des comptes encourage néanmoins l’Etat à laisser les agences régionales de santé tester d’autres solutions “plus variées d’accès aux médicaments, adaptées aux réalités territoriales”.

Son rapport note encore que les différentes aides apportées aux pharmacies méritent d’être bien mieux coordonnées pour gagner en efficacité. La Cour estime ainsi qu’elles ont tendance “à se cumuler sans vision d’ensemble ni objectifs précis sur le plan de la dispensation des produits de santé”.

Enfin, le rapport milite pour une révision des règles d’installation qui s’avèrent “de moins en moins adaptées au maintien du maillage officinal”. Le critère de la population municipale n’est plus jugé pertinent quand il s’agit d’évaluer l’accès des patients aux officines. “Il est peu opérationnel pour les territoires urbains où l’échelle pertinente est celle du quartier, comme pour les zones rurales dans lesquelles, un déplacement entre différentes communes limitrophes en voiture est plus aisé”.

Publié le mois dernier, ce rapport de la Cour des Comptes montre à quel point la question du maillage officinal est d’actualité mais aussi la difficulté à trouver les réponses adéquates pour éviter l’apparition de déserts pharmaceutiques.

*Loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, art. 20

Source : rapport de la Cour des Comptes

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