Les pharmaciens se sont vus confier une nouvelle mission en 2024 avec les bilans de prévention. Ce dispositif qui s’adresse à plusieurs tranches de Français âgés de 18 à 75 ans et permet, en plus de son objectif premier de prévention, de densifier les liens avec ses patients.
Mieux vaut prévenir que guérir ! L’aphorisme est connu depuis longtemps. Certains ont même voulu en donner la paternité à Hippocrate, le père de la médecine, alors qu’on le doit dans les faits à Charles-Joseph Panckoucke, un magnat de la librairie qui vécut au XVIIIème siècle. Il n’empêche que l’idée est née bien avant cela puisqu’on la retrouve déjà chez Lao-Tseu au VIème siècle avant notre ère. “Prévenez le mal avant qu’il n’existe ; calmez le désordre avant qu’il n’éclate”, nous disait-il. Beaucoup plus tard, Richelieu précisait même le concept en estimant qu’un “médecin qui peut prévenir les maladies est plus estimé que celui qui travaille à les guérir”.
Le dispositif “Mon bilan prévention” s’inspire de ces réflexions séculaires en offrant une occasion aux patients et aux professionnels de santé de se pencher sur les risques de maladies chroniques, sur les (mauvaises) habitudes de vie de chacun et de lancer une réflexion et des actions concrètes et préventives.
Le pic des maladies chroniques
Ce dispositif n’est pas né par hasard. Il répond à un véritable besoin de santé publique. En effet, les maladies chroniques représentent aujourd’hui un véritable problème de société qu’il convient de prendre à bras le corps. Selon Améli, la part des assurés concernée par le dispositif des Affections Longue Durée s’élevait déjà à 36% en 2022.
Par ailleurs, des études montrent que ces maladies sont à l’origine de 88% des décès en France. L’augmentation de l’espérance de vie multiplie les risques pour la population d’en être atteinte. Or, en 2030, 1 Français sur 3 aura plus de 60 ans et les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 15 ans. Cette hausse du nombre de seniors engendrera mécaniquement une augmentation de celui des maladies chroniques. De récentes estimations laissent présager notamment d’une augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes de 1,2 millions en 2012 à 2,3 millions d’ici 2060.
Bien évidemment, tout ceci a un coût, humain en premier lieu, mais aussi financier avec des traitements plus nombreux et plus longs.
Éviter les risques
Or, un certain nombre de ces maladies chroniques pourraient être évitées si l’on voulait bien lutter, au mieux et au plus tôt, contre certains modes de vie à risque. Voilà tout l’objet du dispositif “Mon bilan prévention” qui entend aider au repérage des facteurs de risque et d’accompagner les patients vers leur élimination.
Ouvert à tous les Français à partir de 18 ans et à différentes périodes de la vie, ces bilans de prévention prennent la forme d’un entretien qui peut durer de 30 à 45 minutes. Il peut être préparé au préalable par le patient qui répondra alors à un auto-questionnaire sur ses habitudes de vie et les conduites à risque qu’il pourrait mener. Pour être efficace et ne pas déborder de ce temps de consultation déjà conséquent, il convient de “suivre une trame” selon Valérie Lourenço-Bouché, titulaire de la Pharmacie des Ballastières à Damvillers. “Celle proposée par l’Assurance Maladie peut parfaitement convenir”, ajoute-t-elle.
Cette trame recommande ainsi de commencer l’entretien en repérant les facteurs de risque du patient avant de sélectionner un ou deux sujets de prévention prioritaire qui feront l’objet de préconisations particulières dans un Plan personnalisé de prévention. Le pharmacien y définit des actions concrètes que le patient, co-décisionnaire, peut mettre en place tout en listant les ressources et les intervenants qu’il pourra consulter pour atteindre ses objectifs.
Organisation et suivi
“Tout est fait dans l’intérêt des patients, note Valérie Lourenço-Bouché, prête, avec son associée Dorine Gérard, à lancer le dispositif dès cet été. Avec les bilans de prévention, on consacre du temps au patient, en exclusivité. Cela permet d’aller dans le détail et de revenir sur certaines idées qui peuvent nous paraître évidentes mais qui ne le sont pas forcément pour les patients. Par ailleurs, on affermit nos liens avec eux, ce qui est essentiel dans notre métier”. Et ce temps dédié aux patients va au-delà du rendez-vous car “le suivi est obligatoire, soutient Valérie Lourenço-Bouché. Il peut se faire au comptoir. Je pense ainsi mettre en place un tableau de suivi pour que nous puissions solliciter de nouveau les patients quelques mois après leur bilan de prévention”.
Comme tout entretien individuel, le bilan de prévention demande quelques efforts d’organisation. “Il faut absolument impliquer toute l’équipe dans sa mise en œuvre, estime Valérie Lourenço-Bouché. Chacun doit connaître les cibles préférentielles, les personnes âgées en ce qui nous concerne, et l’organisation pratique de ces consultations”. Au-delà de la préparation des femmes et des hommes de l’officine, il faut aussi prévoir quelques aménagements. A la pharmacie des Ballastières, tout est déjà prêt. “Nous disposons de plusieurs espaces de confidentialité depuis 2020 pour les consultations en diététique et l’orthopédie. Les bilans de prévention pourront s’y dérouler confortablement. Nous avons fait en sorte de rendre les lieux le plus accueillant possible avec, notamment, une table en demi-lune qui facilite les échanges”.
Se former
Si aucune formation complémentaire n’est obligatoire pour effectuer les bilans de prévention, il n’en demeure pas moins utile de maîtriser quelques essentiels dont les techniques d’entretien motivationnel. Les pharmaciens qui pratiquent déjà les entretiens pharmaceutiques profiteront de l’expérience accumulée même si les deux dispositifs s’avèrent “très différents l’un de l’autre, souligne Anne Basuyau, responsable formation CERP Rouen Formation. Si le patient reste au cœur du dispositif, le bilan de prévention permet de parler de sujets parfois plus facilement abordables avec les patients”.
CERP Rouen Formation prépare d’ailleurs des formations dédiées au bilan de prévention. Celles-ci se déclineront certainement selon les catégories d’âge visées mais elles seront surtout “pratico-pratique pour aider très concrètement les pharmaciens à se lancer, précise Anne Basuyau. Dans un premier temps, il faut amener à une prise de conscience sur l’intérêt de ces bilans de formation. Donner toutes les informations utiles aux pharmaciens pour les mettre en place puis, dans un deuxième temps, leur offrir des formations techniques dédiées”.
Pour Valérie Lourenço-Bouché, se former reste essentiel. “J’aime être sûre de moi avant de me lancer dans une nouvelle mission. Les formations que j’ai suivies pour les bilans de médication, la micronutrition ou bien encore l’homéopathie me seront forcément utiles”.
En complément de son offre de formation à venir, Astera, à travers Santalis, proposera bientôt un accompagnement aux pharmaciens qui souhaitent se lancer dans cette nouvelle mission. L’heure des bilans de prévention est prête à sonner.