Par Xavier Mosnier-Thoumas, titulaire pharmacie de Corbiac, à Saint-Médard-en-Jalles.
Engagé dans la transformation numérique de l’officine depuis quelques années déjà, à travers notamment sa plate-forme mesoigner.fr, Xavier Mosnier-Thoumas n’a pas manqué de développer de nouveaux services depuis le début de la crise dans sa pharmacie de Corbiac. Plus que jamais convaincu du rôle indispensable du pharmacien en tant qu’acteur de santé de proximité, il entend maintenir et renforcer ses liens avec ses patients en s’appuyant sur les forces du métier : l’écoute, l’échange et le conseil.
- FICHE D’INFORMATION
- Pharmacie de Corbiac, Saint-Médard-en-Jalles
- Titulaire : Xavier
- Mosnier-Thoumas
- Effectifs : deux docteurs en pharmacie, trois préparateurs et deux apprentis préparateurs
- Date d’installation : avril 2008
- Fréquentation : 250 clients par jour
- Surface : 200 m² dont 100 m² dédiés à la patientèle
- CA : 2,4 millions d’euros
Comment avez-vous vécu les périodes de confinement et de post-confinement ? Quels impacts ces événements ont-ils eu sur votre activité ?
Tout d’abord, je tiens à dire que j’ai apprécié la période du confinement. Cette situation exceptionnelle a valorisé le rôle et l’action des pharmaciens. Plus que jamais acteurs de proximité, nous avons pu rappeler à nos clients que la santé était notre travail et que nous pouvions apporter des réponses à toutes leurs problématiques. Je retrouve d’ailleurs ce même sentiment à l’occasion de la campagne de vaccination contre la grippe.
Mes équipes ont elles aussi plutôt bien vécu cette période. En tant que chef d’entreprise, je mise beaucoup sur le management et l’accompagnement des équipes. Ces derniers mois, nous avons beaucoup discuté. J’ai été le plus transparent possible sur ce que l’officine traversait. Nous avons réussi à garder une excellente cohésion pendant tout ce temps.
Comme je ne voulais pas recourir au chômage partiel, il nous a fallu trouver ensemble les solutions pour nous assurer de la bonne santé de nos patients et maintenir les emplois. Très sollicitée durant le confinement -les flux étaient importants-, mon équipe a su répondre présente. Si ce n’est le ras-le-bol du masque, le moral est bon.
Quoiqu’il en soit, nous avons senti assez tôt que le virus pourrait arriver en France et avoir de lourdes conséquences sur notre activité. La fréquentation dans la pharmacie a d’ailleurs très vite grimpée. L’activité était trois fois supérieure à la normale à la mi-mars ! Face à ce phénomène impressionnant, nous ne pouvions que nous interroger.
J’ai rapidement décidé de répondre à ce défi en réorganisant l’officine. J’ai profité d’un dimanche pour adapter la pharmacie aux obligations du moment en mettant notamment en place un sens de circulation mais aussi en renforçant mon équipe. Nous avons également eu recours aux heures supplémentaires et nous avons pu compter sur la présence d’un stagiaire en sixième année qui a pleinement joué son rôle de pharmacien. Heureusement car le lendemain, nous avons accueilli plus de six cent personnes dans la pharmacie ! Il ne s’agissait pas de nouveaux venus mais bien de nos clients habituels tous venus nous rendre visite le même jour, nous imposant de fait un rythme de travail des plus soutenus.
Nous avons même réussi à ne faire attendre personne. Il s’agit là d’ailleurs d’un de mes crédos. Je ne veux pas que les clients passent plus de trois minutes dans une file d’attente. L’attente les freine et les ennuie or je ne veux pas qu’ils viennent avec déplaisir dans ma pharmacie. Nous travaillons donc là-dessus depuis longtemps mais tous ces efforts ont pris encore plus de valeur cette année.
Quelles sont vos recettes pour écourter l’attente de vos clients ?
Nous avons mis en place différentes mesures. Afin de disposer de la bonne équipe au bon moment, nous avons revu les règles de planning pour qu’elles s’adaptent immédiatement aux besoins de l’officine. Nous donnons également toujours la priorité au comptoir. Si les personnes au contact du client ne peuvent plus gérer seules cette tâche, des collègues les rejoignent afin de les soulager. Il leur suffit d’actionner une sonnette et les renforts arrivent.
D’autres services que nous avions déjà mis en place se sont avéré des plus utiles lors du confinement comme la préparation anticipée des renouvellements d’ordonnances. Lorsque celles-ci se montrent très conséquentes ou listent des médicaments que nous n’avons pas en stock, nous les préparons en avance, en accord avec le patient qui est prévenu 48h auparavant. Dès lors, lorsqu’il vient à l’officine, on ne perd pas de temps avec la préparation ou la facturation. En revanche, on peut en prendre pour apporter de l’écoute et du conseil.
Avez-vous mis en place de nouveaux services à l’occasion du confinement ? Avec quels résultats ?
J’ai davantage développé qu’inventé. Je me suis notamment appuyé sur les outils développés par mesoigner.fr, un site internet -associé à une application- que j’ai créé en 2013 et qui permet déjà aux clients de profiter des services d’un millier de pharmacies en France. Grâce à cette seconde activité, j’avais déjà mis en place les commandes en ligne, via le site internet de la pharmacie, mais elles ont fortement bondi pendant le confinement. Nous avons dû en gérer plus de trois cents par mois. Depuis, les choses reviennent doucement à la normale.
Avec les commandes en ligne, les clients ont également la possibilité de se faire livrer. Notre zone de chalandise s’étale sur un rayon de cinq kilomètres. Je précise que nous réalisons des livraisons express puisque toute commande réalisée avant 17h se voit livrée dans la journée. Nos clients ont apprécié et ce service influe directement sur leur fidélité.
Le click’n collect a connu une progression plus mesurée avec cinq à six commandes par semaine. Aujourd’hui, ces chiffres ont été divisés par deux. Soit les clients se font livrer, soit ils viennent directement à l’officine. Nous proposons désormais à nos clients de réserver certains produits dont nous pourrions manquer. C’est le cas pour les thermomètres et les masques. Les clients ayant réservé sont prévenus par mail dès que les produits sont à nouveau disponibles.
Dans quel but avez-vous mis en place cette nouvelle offre de service ?
Le suivi et l’accompagnement. Ainsi, en avril, nous avons pris le temps de lister l’ensemble de nos patients chroniques et nous avons appelé tous ceux qui n’étaient pas venus à l’officine au cours du mois précédent. On a pris de leur nouvelle, on s’est assuré qu’ils n’aient besoin de rien, notamment pour leurs traitements en cours.
Nous avons effectué plusieurs livraisons suite à ces appels. Cette campagne s’est avérée aussi utile que positive. Positive pour mon équipe qui s’est senti investie d’une nouvelle mission mais également très positive pour nos patients qui avaient clairement besoin de ce service. Ils n’en sont que plus fidèles à l’officine désormais.
Nous gardons également le contact avec nos patients à travers la newsletter de notre site internet. Nous pouvons leur donner des informations sur nos services comme sur nos produits. Des mails ont ainsi prévenu les patients du démarrage de la campagne de vaccination contre la grippe et leur ont rappelé la possibilité de prendre des rendez-vous en ligne. Notre application mobile propose également une messagerie sécurisée qui a très bien fonctionné ces derniers mois. Ces échanges sont très appréciés, et plus encore depuis le confinement.
Cette application reprend également les actualités santé du site internet. On peut par ailleurs s’y procurer des produits, les commander, les payer et même réaliser des envois d’ordonnance. Enfin, on propose à l’utilisateur d’indiquer sur un petit personnage là où se situe son problème ou sa douleur et l’on affiche alors ce que l’on a en stock dans la pharmacie pour résoudre cela en automédication.
Tout cela vous a-t-il permis de conquérir de nouveaux clients ?
Nous avons effectivement accueilli de nouveaux clients alors même que notre secteur s’avère extrêmement concurrentiel. Trois grandes enseignes se sont installées autour de nous. Certaines personnes y avaient pris leurs habitudes pour des raisons de prix ou de proximité géographique. Depuis le confinement, une partie de cette clientèle franchit à nouveau nos portes. On nous découvre comme on nous redécouvre. Et mon objectif désormais est qu’ils ne nous oublient pas de suite.
Evidemment, je ne peux pas faire les mêmes prix que ces grandes enseignes. Je fais du mieux que je peux sur ce sujet mais nous ne jouons pas avec les mêmes volumes. En revanche, je peux plus que rivaliser en termes de conseils et de disponibilité. En offrant des services de qualité, nous assurons la satisfaction de notre clientèle.
Pour demeurer le référent sur les médicaments, ce n’est pas qu’une question de prix. Ce qui compte, c’est le lien que l’on crée avec le patient. Le prix n’est finalement qu’un faux débat.
Quels sont vos futurs projets ?
Je me tourne depuis quelque temps vers l’accompagnement des patients avec les bilans de médication notamment. Nous allons renforcer notre action auprès des malades sous anticoagulant (antivitamine K et anticoagulant direct), des patients asthmatiques et des patients sous médicaments anti-cancéreux. Nous avons déjà commencé à digitaliser les bilans de médications et le suivi des AVK. Là encore, je me sers de ce qui a déjà été fait sur mesoigner.fr pour mener à bien cette digitalisation.
Si notre métier tourne de plus en plus autour des services, le pharmacien doit aussi se préparer à jouer un rôle central dans l’organisation des soins de proximité. On parle beaucoup en ce moment de pluridisciplinarité, des communautés professionnelles territoriales de santé, toutes choses qui permettent de communiquer facilement. Depuis le début de la crise sanitaire, les échanges entre professionnels se sont amplifiés. Il faut absolument que l’on maintienne ce lien et même que l’on enrichisse nos échanges dans l’intérêt du patient.